Enquête : L’encadrement des loyers est-il efficace ?
Article rédigé par Isabelle LANTHONY, le 14 juin 2021.
Deux enquêtes ont été réalisées sur les effets de l’encadrement des loyers à Paris, suite au retour du dispositif en 2019 dans la capitale. Notre article vous détaille leurs résultats, l’occasion de revenir sur le fonctionnement de cet outil de contrôle des loyers.
MÉTHODE DE CALCUL DE L’ENCADREMENT DES LOYERS
L’encadrement des loyers est un dispositif qui permet de limiter l’inflation des loyers immobiliers dans les zones tendues. Pour cela, un loyer de référence mensuel par m² (hors charges et hors complément de loyer) est fixé chaque année par arrêté préfectoral dans les zones concernées. Il est déterminé à partir de quatre données :
- L’année de construction du logement ;
- L’adresse du logement ;
- Le nombre de pièces dans le logement ;
- Le type de location (non meublée ou meublée).
Deux valeurs sont ensuite calculées à partir du loyer de référence :
- Le loyer de référence majoré, supérieur de 20 % au loyer de référence ;
- Le loyer de référence minoré, inférieur de 30 % au loyer de référence.
Dans les zones où l’encadrement des loyers s’applique, le loyer de chaque logement (hors charges et hors complément de loyer) doit être compris entre ces deux valeurs. Un propriétaire qui appliquerait un loyer supérieur de plus de 20 % au loyer de référence serait donc en infraction.
LES PREMIERS RÉSULTATS DE L’ENCADREMENT DES LOYERS
Mis en place à Paris en 2014, puis supprimé en 2017, l’encadrement des loyers a fait son grand retour dans la capitale en juillet 2019. Ce dispositif est ensuite entré en vigueur à Lille en mars 2020 (là encore, après une première tentative en 2017). Plus récemment, il a été instauré en juin dernier dans les 9 villes de l’Établissement Public Territorial (EPT) Plaine Commune, en région parisienne.
S’il est bien évidemment encore trop tôt pour mesurer les effets de l’encadrement des loyers à Lille ou à Plaine Commune, des premières enquêtes ont déjà été réalisées à Paris.
Une efficacité réelle mais limitée
L’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne (OLAP) a en effet étudié l’évolution des montants des loyers dans la capitale depuis que l’encadrement des loyers y est à nouveau appliqué.
L’OLAP a constaté, sur le second semestre 2019, une baisse de 3 % des loyers de relocation qui dépassaient le plafond légal (étude réalisée sur un panel de 3 850 logements représentatifs du parc locatif privé non meublé de Paris). Or, au premier semestre (donc avant le retour de l’encadrement des loyers), l’OLAP avait enregistré une augmentation de 2,6 % des loyers de relocation supérieurs au plafond.
Ces chiffres semblent donc indiquer, selon l’OLAP, « un effet indéniable, mais limité, de resserrement des loyers de relocation des logements non meublés autour de la fourchette légale ».
Par ailleurs, la part des dépassements parmi les relocations était de 28 % sur cette même période.
Des propriétaires encore récalcitrants
L’efficacité modérée de l’encadrement des loyers s’explique en grande partie par le manque de coopération des bailleurs.
En effet, d’après une enquête réalisée par l’association de défense des consommateurs CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie), 44% des annonces de locations immobilières à Paris ne respectaient pas l’encadrement des loyers au second semestre 2019 (enquête réalisée sur 1 000 annonces de locations immobilières publiées entre juillet et novembre 2019).
S’il est possible que certains propriétaires soient de bonne foi et n’appliquent pas l’encadrement des loyers par manque d’informations sur le sujet, d’autres bailleurs refusent clairement de se plier à la loi, même après que leurs locataires leur signalent leurs infractions.
Les arguments en défaveur de l’encadrement des loyers
Les détracteurs de l’encadrement des loyers avancent trois arguments :
- Cette mesure de régulation va entraîner une baisse de revenus pour les bailleurs concernés ;
- Les contraintes de ce dispositif vont dissuader bon nombre d’investisseurs potentiels de se lancer dans le marché locatif parisien, ce qui aura pour conséquence une chute de l’offre locative ;
- De la même manière, les propriétaires de biens en zones tendues vont les sortir du marché locatif classique pour en faire des locations de courte durée, de type Airbnb.
UN DISPOSITIF PLUS EFFICACE A L’AVENIR ?
Si les premiers résultats sont encore assez peu visibles, il est possible d’envisager que l’encadrement des loyers gagne en efficacité à l’avenir, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, cette mesure ayant été annulée en 2017 par décision de justice, avant de revenir en 2019, certains bailleurs ont peut-être estimé qu’elle disparaîtrait à nouveau à l’avenir et qu’il n’était donc pas nécessaire de s’y conformer. Son maintien sur le long terme devrait favoriser son application par un plus grand nombre de propriétaires.
Deuxièmement, les deux enquêtes de l’OLAP et de l’association CLCV citées ci-dessus ont étudié des données du second semestre 2019, c’est-à-dire dans la foulée du retour de l’encadrement des loyers à Paris. Il est donc encore trop tôt pour en mesurer réellement l’efficacité. L’OLAP rappelle d’ailleurs qu’avant son annulation, l’encadrement des loyers avait fait diminuer la part des dépassements parmi les relocations de 26 % à 21 % entre 2015 et 2017. Les données de l’année 2020, quand elles seront disponibles, devraient apporter un nouvel éclaircissement sur son efficacité.
Troisièmement, les premières sanctions commencent à frapper certains propriétaires qui ne respectaient pas l’encadrement des loyers. Ces derniers ont dû diminuer leurs loyers sous les plafonds légaux, rembourser les loyers perçus en trop et verser des amendes. Cela devrait avoir un effet dissuasif sur les bailleurs encore réfractaires et les inciter à se plier aux exigences du dispositif.
Enfin, après Lille et les 9 villes de Plaine Commune, d’autres villes ont exprimé le souhait de mettre en place cette mesure, telles que Lyon, Bordeaux, Montpellier ou encore Grenoble. Si ces candidatures sont acceptées par le gouvernement, l’expansion de l’encadrement des loyers devrait faire entrer ce dispositif dans les mœurs du marché immobilier locatif, et ainsi inciter de plus en plus de propriétaires bailleurs à respecter les plafonds légaux de loyers.
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